Approfondir sa pratique
grâce au CAP Cuisine
En janvier 2018, j’ai intégré la Digital Factory du Groupe SEB, l’un des leaders mondiaux des ustensiles culinaires et du petit électroménager. Moins de 18 mois plus tard, je suis de retour au lycée. Face à moi, deux chefs qui décideront de ma réussite à l’examen pratique du CAP Cuisine. C’est la dernière épreuve d’une aventure aussi exigeante que passionnante.
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Mission :
Formation personelle -
Type :
Projet personnel -
Secteur :
Cuisine -
Durée :
1 an
Loin de l’image glamour des prestigieux cours du cuisine, le CAP est le diplôme de base du cuisinier. Les recettes exigées sont parfois bien loin des tendances actuelles mais l’objectif n’est pas là. Pour arriver à l’examen, il faut travailler aussi bien l’hygiène que la préparation des grandes recettes de la cuisine française sans oublier l’apprentissage du vocabulaire propre aux professionnels.
Le premier cours
Janvier 2019. Avec mes co-équipiers Olivia Revole et Gaspard Frumy, nous faisons face à Chef Bruno, en charge de l’Atelier Culinaire du Groupe SEB. Notre directeur Xavier Boidevezi, déjà titulaire du CAP Cuisine mais également de celui de pâtisserie et de boulangerie) nous accompagne, nous conseille et nous encourage pour ce premier cours de pratique et pour toute la durée de la préparation.
Les premières heures de ces cours particuliers se concentrent sur des fondamentaux de l’examen. Certains apprentissages étaient attendus comme l’épluchage et la taille des légumes, l’exigence autour de la propreté du plan de travail et l’organisation des différentes étapes de préparation. Les vraies surprises sont venues des mécanismes de protections à connaître comme les premières bases de préparation mentale pour résister à la pression des chefs pendant l’examen et la guerre de territoire pour veiller à ce que préparations, ustensiles et appareils ne se fassent pas chaparder par les autres candidats. Les gnocchis à la parisienne préparés pendant cette journée ne sont, au final, qu’un prétexte pour apprendre à recevoir et à répondre aux critiques ainsi qu’à protéger et nettoyer son périmètre.
Passer de la théorie à la pratique
Entre les trois sessions pratiques à l’Atelier Culinaire, le reste du travail se passe à la maison. Pour la théorie, les annales et les livres de cours récupérés permettent de bachoter le soir et les week-ends. C’est avec ces examens qu’il m’est possible de gagner quelques points. Même si les coefficients sont faibles, les sujets me semblent accessibles et, en travaillant mes révisions, j’espère obtenir des notes au dessus de 15 pour mettre toutes les chances de mon côté.
Sortant d’une université de mathématiques puis d’études de communication numérique, je n’ai pas vraiment fait de métier manuel. La pratique me demande de sortir de ma zone de confiance ; de travailler avec mes mains, de répéter des gestes pour les parfaire et acquérir des automatismes. Conscient de mes lacunes et de la difficulté de me plonger pour la première fois dans une formation pratique, je ne suis pas là pour aller chercher de hautes notes mais pour apprendre. Dans les premiers mois de ma formation, je perçois le dix de moyenne et le diplôme comme des bonus.
Mais pourquoi je m’inflige ça ?
Les premiers apprentissages sont durs. Certains exercices proposés me semblent interminables : j’ai passé deux heures à préparer des carottes râpées pour cinq en utilisant uniquement un couteau. Je mets du temps à maitriser mes nouveaux outils. Je dois désapprendre certains réflexes que j’avais en cuisine pour apprendre les bons mouvements. Du côté des recettes, les plats ne me font pas spécialement envie. Je fatigue et dois trouver le bon rythme entre ma vie professionnelle, ma vie personnelle et ma préparation au diplôme.
Je commence, petit à petit, à voir les bénéfices dans mes différentes missions : je comprends mieux le vocabulaire des professionnels de la cuisine, j’identifie plus facilement mes pré-conçus sur les niveaux de difficulté, je commence décrypter certains sujets de recherche en science de l’alimentation… Dans le quotidien aussi, certains gains sont agréables. Je sais désormais couper mes oignons sans pleurer.
Vous êtes réellement en train de passer votre CAP Cuisine ?
Ça change tout !
L’évolution la plus radicale se fait dans la perception du travail de notre équipe dans notre rencontre avec les chefs. Au-delà d’une meilleure compréhension dans les échanges, la simple mention de la préparation du CAP change la perception de ceux-ci : notre investissement dans cette formation devient un gage de crédibilité.
Se serrer les coudes
Si Gaspard et moi sommes les seuls de notre équipe à pouvoir présenter notre diplôme en 2019 (suite à problème d'inscription d'Olivia), nous sommes 15 à préparer le CAP Cuisine au sein du Groupe SEB. Nous partageons les différents sujets, les différentes annales. Xavier fait des points réguliers pour nous encourager et nous conseiller et Chef Bruno concentre sa formation sur nos points de blocage et le rattrapage des préparations ratées tout en gardant l’accent sur la résistance à la pression.
Dans les derniers mois, je cuisine de plus en plus. Les soirs, entre 21h et jusqu’à ce que la préparation pour le lendemain soit terminée. Travailler sur les annales des examens pratiques est plus agréable que de travailler sur le livre de référence. Les recettes, plus modernes, plaisent plus à mes proches. Pour rester en forme, je me réserve du temps le week-end pour relâcher la pression sur la pratique pure : nous cuisinons en famille et je continue à travailler ma théorie.
Acte 1 : L’examen théorique.
Refaire sa malette d’examen, retourner au lycée, écouter les consignes de la proviseur, mettre son nom avant son prénom sur les copies, plancher sur les sujets… En l’espace de deux jours, je fais un bon de quelques années en arrière. Ce voyage dans le temps est plaisant. Bien préparé à l’aide de livres de cours récupérés et de quelques écrits des années précédentes, je sors avec l’impression d’un travail bien fait et j’espère prendre des points qui seront précieux en prévision de l’examen pratique.
La densité de mon agenda professionnel ne me laisse que peu de temps pour affiner ma préparation durant les deux semaines qui séparent la théorie de la pratique. Je m’habitue à cuisiner avec mon uniforme, à faire les recettes que j’avais repoussée et à préparer mon matériel. La pression monte.
Le saut dans l’inconnu.
Face à moi, deux chefs qui décideront de ma réussite à l’examen pratique du CAP Cuisine. Dans la salle, nous sommes douze à devoir préparer un plat et une entrée en l’espace de trois heures trente. Pour chaque recette, deux assiettes devront être dressées (présentées) et envoyées (servies) à midi quinze. Au menu : Feuilleté au fromage avec son mesclin et sa vinaigrette balsamique (pour huit personnes) puis poulet sauce forestière accompagné de pommes cocotte et de courgettes marinées grillées (pour quatre personnes). La pression des chefs arrive dès la présentation du sujet :
Vous pouvez être heureux, vous avez un vrai sujet de cuisinier. Ceux qui réussissent, je les embauche direct.
Avec la canicule, il fait très chaud dans la cuisine et préparer une pâte feuilletée dans ces conditions n’est pas des plus faciles mais la chambre de refroidissement sera ma meilleure alliée. La plupart des éléments se déroulent plutôt sereinement. En revanche, je coince devant le fond de volaille à préparer : j’avais fait l’impasse lors de mes révisions. Sa réalisation prenant beaucoup de temps, il me semblait difficile de l’avoir en examen. Malheureusement pour moi, l’ajout de fond en poudre permet de réaliser un fond amélioré pour la sauce. Cette sauce sera un cauchemar pendant tout l’examen. Lors du flambage, je contrôle mal la dose de cognac et la flamme prend du volume au-dessus de la sauteuse. La réponse de l’un de mes deux examinateurs est instantanée : « On a vu ton flambage jusqu’à la place Bellecour [La place lyonnaise est à 15 kilomètres du centre d’examen] ». En restant concentré, je réussis à faire abstraction des difficultés sur ce point précis lors de la préparation des autres éléments. Cette compartimentation des obstacles est capitale pour continuer à avancer dans la difficulté.
Dans la salle, les « oui, chef » fusent, l’ambiance de brigade n’est pas sans rappeler le monde militaire. La préparation de Chef Bruno fait des merveilles face aux remarques parfois sèches. Certains encouragements sont agréables à entendre. Le temps passe extrêmement vite. Un problème de four me donne un léger délai supplémentaire. Mes années de designer se rappellent à moi au moment du dressage des plats. Il est 12h21, j’ai réussi à préparer et à envoyer les quatre assiettes dans les temps.
Le grand oral
La pression retombe et les nerfs se relâchent. Les multiples commentaires sur la sauce me reviennent à l’esprit et me donnent alors l’impression d’être passé à côté de l’examen. Le ménage de la cuisine occupe le long temps d’attente. Je suis le dernier à passer pour notre ultime épreuve : un oral composé d’une auto-évolution des plats, d’une critique par les chefs et de l’entretien du projet professionnel.
Face aux chefs, j’essaye de réaliser une auto-évaluation objective avant d’écouter la critique. Pour l’entrée, le feuilleté au fromage est réussi et bon mais peut-être pas assez rempli de la sauce Mornay réalisée pendant l’examen. Ma présentation est également jugée comme très réussie. Comme attendu, le plat est plus compliqué et jugé non commercialisable par sa sauce qui manque de goût et dont la texture n’est pas celle attendu. Je reconnais, à la demande des chefs, mon inexpérience dans la préparation des fonds de volaille. Les autres éléments du plat principal sont rapidement abordés de façon neutre avant de se consacrer sur mon projet professionnel.
Loin d’une volonté de reconversion, mon projet professionnel surprend les chefs. J’ai beaucoup appris sur mon travail et celui des chefs pendant la préparation de ce CAP Cuisine. Nous évoquons ensemble les différentes solutions que peut apporter le vocal et une intelligence artificielle de l’alimentation pour les professionnels. Après ce moment d’échange agréable, il ne me reste plus qu’à attendre les résultats.
Chef Sébastien
Deux semaines séparent la pratique des résultats officiels. La critique du plat principal laisse planer le doute sur ma réussite. Une nouvelle fois, je voyage dans le temps et retrouve mes sensations d’étudiant. Mon investissement dans ce diplôme a transformé ce qui devait être juste un bonus au milieu des savoirs en un objectif.
Les résultats sont mis en ligne un lundi après-midi. Sur le site de l’académie de Lyon, je chercher mon nom et le trouve accompagné des lettres capitales « ADMIS ». J’ai réussi : je suis titulaire d’un CAP Cuisine, tout comme Gaspard et les treize autres candidats du Groupe SEB.
Au-delà des relations avec les professionnels de l’alimentation, la préparation du CAP m’a ouvert les yeux sur de nouvelles façons de faciliter encore la cuisine du quotidien pour toutes et tous. Elle m’a également permis de constater les écarts de langages qui peuvent exister entre celui des créateurs de recettes et celui parlé à la maison. Plus que jamais, elle m’a renforcé dans la nécessité de comprendre les contextes et les niveaux de complexité : certaines actions peuvent nous sembler naturelles quand elles demandent un réel effort pour celle ou celui qui les pense puis les exécute.
Ces quelques exemples ne sont qu'un aperçu. De nombreuses autres façons de simplifier le fait-maison sont encore à imaginer. C’est la fin d’une aventure et le début d’une nouvelle.